Par André GINTZBURGER
À la lecture du dernier numéro de Cassandre, un lecteur étranger pourrait avoir l’impression que tout y a été dit sur l’état du théâtre en France et sur les doléances de ses pourvoyeurs : aux hurlements de détresse des « grands » qui s’étaient réunis à Brest, s’opposaient (ou s’ajoutaient) ceux des « moyens » qui s’étaient fait entendre à travers un article de Politis.
Tous exprimaient leur inquiétude face à une politique de l’État non encore précisée, les premiers sur le mode insurrectionnel, les second sur celui de la supplication. Mais les uns et les autres faisaient comme si le théâtre, c’était eux, eux seuls. Or ce n’est pas exact. Il y a en vérité des théâtres, et les extrémistes de tous les bords s’ignorent et se méprisent, comme si des murs les séparaient, plus opaques encore que ne l’était dis celui de Berlin.Pourtant, que d’osmoses, voire de troublantes zones floues entre les diverses mouvances du théâtre public et celles, si contradictoires, de ce qu’on appelle d’une façon abusivement globale le théâtre privé.
Faisons comme Arte : consacrons deux paragraphes à l’étude comparée de l’évolution du théâtre en Allemagne et en France.
En Allemagne, le théâtre « privé » n’a pratiquement jamais existé et il n’y a jamais eu une ville revendiquant une suprématie culturelle. Bismarck, unifiant le pays autour de la Prusse, Hitler plus tard auraient voulu que Berlin devienne ce phare. On y trouve effectivement plus de cabarets, de musichalls qu’ailleurs, mais les équivalents du « boulevard » parisien se résument à quelques salles éparses dans le quartier du Kurfürstendamm, et aucune ne ressemble à ce que sont à Paris des théâtres comme l’Atelier, l’Œuvre, ou le Poche Montparnasse. Ni l’un ni l’autre ne purent détruire un paysage culturel édifié autour des princes des Länder du XVIIIe siècle.
Le retour de l’Allemagne de l’Ouest au fédéralisme après la Deuxième Guerre mondiale a ressuscité un decoupage géographique familier dans la conscience collective. Des capitales locales furent politiquement réactivées, et l’un des premiers soucis de chacune fut de reconstruire son théâtre, la plupart du temps démoli ou endommagé par les bombardements. L’Allemagne de l’Est, elle, a nettement privilégié Berlin par rapport aux autres grandes villes de R.D.A. Mais là aussi, des théâtres importants ont été reconstruits, à Dresde, Leipzig, Rostock, chacun avec sa propre troupe d’artistes. Ainsi, dans cette Allemagne de la seconde moitié du XXe siècle, n’existe-t-il que deux sortes de théâtres, toutes deux institutionnelles. Les Staattheater relèvent de l’autorité de l’État local et de lui seul – le gouvernement fédéral de Bonn n’a rien à y voir. Les Stadttheater, eux, sont municipaux.
Les uns comme les autres sont seuls à drainer un public habitué aux abonnements et à trouver dans des édifices monumentaux abritant des centaines de salariés un répertoire sans surprises et souvent boulevardier. À côté, plus recherchés et parfois en pointe, voire audacieux dans leurs choix, sont les Kammerspiel, « jeux de chambres » où l’on joue au sens littéral, c’est-à-dire où l’on essaye. Au nom de la liberté recouvrée, il y eut à l’ouest quelques tentatives d’initiatives privées. Le mot « alternatif » les a jeté dans la marginalité. La prééminence de la province a ses racines dans un tradition liée au fait que les Länder du XIXe siècle, plus autonomes culturellement que ne le seront nos provinces déconcentrées, étaient gérés par des princes parfois mécènes qui soutenaient de leur bienveillance des troupes fixes (ce qui ne les empêchait pas d’être parfois des censeurs impitoyables). Ce système ne laisse pratiquement aucune place aux tournées telles que nous les connaissons. Quand une pièce est remarquée par un dramaturge, elle est créée dans dix lieux différents dans dix mises en scènes, avec dix troupes différentes. Il n’y a pas non plus de marché permanent des comédiens en quête d’emplois. Le système des « intermittents » tel qu’il existe chez nous n’a pas de raisons d’être dans un monde où la notion de troupes permanentes engagées à l’année, quand ce n’est pas sur des durées plus longues, fait partie des mœurs. Malheur, certes, à ceux qui ne sont pas retenus lors de ces sélections à la périodicité rare. Mais il est moins pervers pour un acteur de savoir que, s’il a été écarté d’une opération d’enrôlement, il n’a aucune chance de trouver un engagement avant l’année suivante, que de rêver, Assedic aidant, et les distributions se faisant au jour le jour, que ses chances restent entières.
La Décentralisation ou la vengeance de la province
En France les « provinces » renaissent aujourd’hui sous le nom de « régions » après que la Révolution de 1789 ait eu comme premier souci de les faire disparaître. Elle ne faisait d’ailleurs que parachever l’œuvre centralisatrice entreprise de très longue date par la monarchie. Le Roi prenait ombrage lorsqu’un quelconque Duc se montrait trop amoureux des artistes. C’était son privilège que de soutenir ceux qui, en prologue ou épilogue de leurs œuvres louaient sa toute puissance. Il les voulait Parisiens (ou Versaillais) : son objectif politique était de concentrer autour de sa personne tous les appareils de l’État. Sa Cour n’avait pas d’autre objet que de retenir auprès de lui ceux qui auraient risqué grâce à leur éloignement de mettre son pouvoir en question. L’origine de la « déconcentration » que redoutent aujourd’hui ceux qui bénéficient des subsides officiels se perd tellement dans la nuit des souvenirs enfouis qu’elle ne correspond actuellement à aucune demande locale profonde des populations. À un temps où la France catholique refusait encore une sépulture chrétienne aux gens de théâtre.
Un mur s’est érigé non pas entre deux conceptions, mais entre Paris, capitale de la France, dépositaire traditionnel de la culture nationale, et la province, où seul, jusqu’en 1945, l’art lyrique avait pignon sur place dans un grand nombre de villes, souvent avec un conservatoire, un orchestre, un corps de ballet, des choristes. Le théâtre dramatique n’était assuré que par des tournées venues de Paris, qui trouvaient asile dans ces opéras. La décentralisation, c’est, quelque part, la vengeance de la province sur Paris. Non qu’il ait surgi ici et là des génies alsaciens, basques ou bretons. Une fois passé l’âge des pionniers qui, tels Jean Dasté ou André Clavé, avaient la vocation de susciter hors de Paris une vie culturelle créatrice, il est venu un moment où beaucoup de metteurs en scène qui voulaient exercer leur art sans être esclaves des producteurs, des mécènes et des lois du marché parisien, se sont rendu compte que le choix que beaucoup auraient aimé faire, c’est-à-dire de recevoir à Paris des mains de l’État les moyens de leurs ambitions ne serait réservé qu’à quelques élus. Ils se sont résolus à s’implanter là où on leur offrait un lieu et de l’argent… avec comme contrainte l’obligation d’aller à la rencontre des populations : dans l’esprit du législateur « théâtre public » était synonyme de théâtre de « service public ». Certains eurent du mal à le comprendre, d’où innombrables conflits avec les collectivités locales. Ceux qui, aujourd’hui, exercent leur métier dans ce secteur public en province doivent se rappeler qu’ils sont nés d’une volonté politique qui a 50 ans d’existence : on sait que les centers dramatiques ont été imaginés et proposes aux maires de quelques grandes villes par une femme, Jeanne Laurent, qui agissait dans le cadre d’un secrétariat aux Beaux-Arts qui n’avait même pas rang de ministère. Elle préfigurait dans l’univers du théâtre un dessein politique qui ne commençait qu’à balbutier. Les maisons de la culture, ces cathédrales de transparence, sont encore plus récentes, fruits des rêves visionnaires d’un ministre du général de Gaulle, André Malraux. Le « fini » date de Jack Lang, de la décennie qui précède la nôtre. Tout cela est donc frais et un peu révolutionnaire puisque la suprématie du message culturel a été arrachée à la Capitale, de par la volonté de quelques personnes qui se sont fixé pour but de dé-désertifier le paysage culturel des provinces, avec l’aide d’hommes et de femmes « exilés » d’un Paris où étaient concentrées jusque là pour ceux qui vivaient de leur talent toutes les possibilités de faire carrière. Cela devrait avoir un parfum de jeunesse. On peut être surpris du ton blasé de ceux qui, somme toute, vivent la crise normale de croissance d’un grand dessein, et du mépris avec lequel ils traitent ceux qui, n’ayant pas su ou pas voulu entrer dans le système qui s’est institué, continuent à tenter de survivre dans un secteur resté « parisien » dans lequel ils se retrouvent, quels que soient leur honnêteté culturelles, soumis aux règles du « privé ». Héritiers d’un ordre ancien, ces théâtres ont peu à peu été rejetés dans la fiction qu’ils n’exerceraient ce métier qu’à des fins lucratives. La vengeance de la province est allé jusqu’à leur susciter des concurrents « publics » intramuros et dans la périphérie proche. Placés devant la nécessité de pratiquer une politique de prix qui les condamne à s’adresser à un public aisé, on s’est plu à généraliser le concept de lieux sans ambition artistique, s’adressant à des gens « de droite » n’ayant d’autre dessein que de se divertir en contemplant les pitreries de quelques vedettes spécialisées.
Le droit à l’erreur et le théâtre anachronique
Il faut nuancer. Il est vrai que le Palais Royal, les Variétés, les Nouveautés et autres Daunou et Michel, sont restés dans la droite ligne de la tradition boulevardière, mais ce n’est pas vrai de tous ! Antoine, Copeau, et puis Dullin, Jouvet, Pitoëff, Baty, Jean-Marie Serreau et les petits théâtres de la rive gauche de l’immédiat après-guerre, ont eu des héritiers. Mais la France a changé et a rendu leur combat plus difficile. Il n’y avait pas, à l’époque, les charges sociales et fiscales, le Griss, la Catiras, la Capricas, la ceci la cela, et les caisses de retraite toujours promptes à mettre en faillite les « mauvais payeurs », assimilés à des petits commerçants mal avisés, alors qu’il s’agit de directeurs qui ont cru en un texte, en un metteur en scène et n’ont pas été suivis par la presse. Le droit à l’erreur, reconnu pour les ténors du secteur public, leur est refusé.
Il ne faudrait toutefois pas croire que les théâtres « privés » de Paris soient sans défenses, soumis exclusivement aux lois du marché. Ils se sont dotés d’un correctif : le « fonds de soutien », dont, il y a plus de trente ans, Renée Delmas fut l’initiatrice. La responsabilité financière propre de ces théâtres reste considérable et si le fonds de soutien les aide à survivre, il est loin de leur apporter la sécurité. Mais l’État n’est pas absent de cette manne confraternelle : il la renforce ainsi que la Ville de Paris ; et il est malheureusement certain que là aussi il y a une sorte de mur entre les grands et les petits.
Ceux qui, grâce à des « vedettes », font de grosses recettes pendant plusieurs années avec des pièces pas toujours intéressantes mais qui font « rigoler », vivent mal d’être ponctionnés au profit de ceux qui s’obstinent à prendre le risque de lancer des auteurs inconnus ou difficiles. Ils les trouvent anachroniques et se demandent pourquoi ils persistent dans une voie que le secteur public leur a ravie, avec la possibilité de consacrer aux mises en scène des sommes pour eux inatteignables. Leurs installations électriques et sonores souvent vétuste, leurs scènes incommodes, ne leur permettraient d’ailleurs pas le luxe des technicités de pointe. Certains de ceux-là se plaignent, (mais n’est-ce-pas un combat d’arrière garde ?), de la concurrence qu’ils jugent déloyale, pratiquée par le TGP, le théâtre de la Commune d’Aubervilliers, les Amandiers de Nanterre, Bobigny, Créteil, toutes salles confortablement subventionnées de la proche banlieue parisienne et même intra-muros par le Théâtre de la Colline, le Théâtre national de Chaillot, voire au niveau municipal le Théâtre de la Ville, qui, eux aussi, engagent des vedettes à prix d’or, dépensent des fortunes en décors et offrent leurs produits à un type de public qu’ils aimeraient eux aussi toucher, à des prix qu’ils ne peuvent pas pratiquer sous peine de se suicider !
Ces survivants vivent le paradoxe d’une époque où « on » nous parle sur tous les tons de libéralisme, mais où les contraintes fiscales et sociales sont telles que seules les institutions peuvent avoir une politique audacieuse ; malheureusement, elles ne l’ont que rarement, soit que leurs directeurs soient devenus des fonctionnaires prudents soucieux de ménager leur carrière, soit que les tutelles dont ils dépendent les étouffent. Les théâtres privés ont à honorer des règles syndicales négociées en un temps où le pouvoir était aux salariés spécialisés puisque le chômage n’existait pas ; il leur faut supporter charges, impôts, règles de toutes sortes en matière de sécurité, tarifs exorbitants de la publicité, coûts des productions, etc. Ils sont, à l’image des PME, impitoyablement soumis au quantitatif. Beaucoup auraient rêvé l’être au qualitatif.
Ne me faites pas dire qu’il faut regretter le temps où Letrou, administrateur de Charles Dullin, jouait sur la corde sensible des comédiens pour ne pas les payer. Si les techniciens font payer cher les heures supplémentaires, cela ne vient-il pas des abus de certains metteurs en scène qui, avant les réglementations, n’avaient d’inspiration qu’entre minuit et cinq heures du matin ? Certains ont d’ailleurs pris les contraintes horaires pour des atteintes au génie de la création. Les théâtres privés sont coincés dans une situation qui n’existait pas au temps où on pouvait payer toute une équipe au pourcentage et qui se partageait les recettes !
« Tenanciers » de théâtre et compagnies indépendantes
Cela dit, il y a théâtres privés et théâtres privés. J’ai parlé de ceux qui produisent leurs spectacles de leurs deniers. Il y en a qui travaillent en coréalisation. Les dépenses et les recettes sont partagées plus ou moins équitablement entre les frais que s’estime le directeur et ceux qui sont supposés incomber à la troupe. Certains exigent des minima garantis ou louent tout simplement leur salle. Le directeur dans ce dernier cas, devient un tenancier qui fait payer la jouissance de son lieu. C’est ce que pratiquent de façon éhontée nombre de petits théâtres parisiens et presque tous les propriétaires de lieux dans le Off d’Avignon. Malheur aux compagnies peu connues, qui n’ont pas su ou pu entrer dans le métier par les voies officielles, ne font pas partie du secteur public et entendent montrer leur travail . Elles sont fruits mûrs à croquer pour ces marchands sans vergogne qui les pressureront avec la complicité de toute une faune de fournisseurs et de vendeurs de services qui gagnent leur vie sur le dos d’artistes avides de se montrer, et qui ne pourront le faire selon leurs ambitions du fait des contraintes malthusiennes imposées par ces marchands, dont les médiateurs ne tiendront aucun compte s’ils daignent s’aventurer, le temps d’une soirée, dans une de ces antres dévoreuses de l’argent des pauvres.
Où faut-il les situer, ces compagnies « indépendantes », sans feu ni lieu, mais qui dépendent complètement, à moins qu’elles ne fassent la manche dans la rue, de ceux qui possèdent des lieux ? Celles-là ne sont pas toutes parisiennes, loin s’en faut. Beaucoup sont subventionnées, insuffisamment, souvent symboliquement. Sont-elles toutes à classer dans le « public » ou dans le « privé » ? L’appellation se définira à la hauteur du soutien officiel. Ariane Mnouchkine, Peter Brook sont ils des « privés » ? Ils ont des lieux à eux, certes, mais qui ne sont pas « officialisés ». Pas plus que l’Athénée, certes missionné, mais non dirigé par un artiste. Chaque cas est particulier.
Les jeunes compagnies sont-elles « professionnelles » ? Certainement pas si le critère consiste à respecter les salaires syndicaux et être en règle avec le GRISS. Mais elles ne veulent pas être traitées d’amateurs, car elles se sentent parties prenantes, membres de la profession, même si le chemin pour accéder au club est semé d’embûches et de temps perdu ; toutes entendent, à plus ou moins long terme, vivre de ce métier, et celles qui renoncent le font par découragement, par lassitude. Toutes ne méritent pas la promotion espérée. Dans cet univers, le quantitatif pur ne saurait remplacer le qualitatif.
Elles sont piégées d’entrée, car les temps ont changé. Les juges décideurs, les critiques, ne viennent pas les voir. Ils n’ont pas le temps puisqu’ils doivent rendre compte du travail de ceux qui reçoivent l’argent des contribuables, les subvention nés, ainsi bien sûr, que de la carrière des vedettes.
Il est vrai qu’il existe pour les comédiens et pour ceux qui rêvent de devenir metteurs en scène un type de carrière qui commence au Conservatoire national d’art dramatique, ou dans une de ces écoles que les directeurs des centres dramatiques aiment créer pour se donner l’impression qu’ils participent à l’évolution des générations, certaines ayant acquis des lettres de noblesse comme celle du T.N.S… Ces piédestals ne garantissent pas d’emplois mais offrent de réelles possibilités d’en trouver aux plus doués. Plus doués ne signifie pas toujours plus talentueux, mais aussi plus aptes à s’adapter, à se fondre dans le moule des « grands » de l’institution. De fil en aiguille, une carrière peut se bâtir, sans garantie de continuité, mais avec une relative sécurité, hors de toute notion de responsabilité juridique personnelle en cas d’échec.
Est-ce à dire qu’il ne puisse exister de théâtre que dans l’institution, qu’il soit inutile de s’engager dans cette vocation par une voie « privée » ? « Privée » ne signifiet-il pas « privée des bons contacts au bon moment ? »
Mon propos est ici de dresser, subjectivement, un état des lieux. Je ne fais pas parti du lobby « libéral » qui s’est fixé pour but de démanteler les acquis sociaux du XXe siècle. La protection sociale est un bien inestimable qu’il faut sauvegarder. Je me demande s’il ne serait pas envisageable, pourtant, que tous ceux qui se groupent à un certain moment de leurs vies avec le désir de s’exprimer par le théâtre soient dispensés de charges et impôts pendant quelques temps. Je me suis souvent demandé s’il était juste que les tarifs de la publicité soient les mêmes pour les théâtres de 100 places que pour ceux de 1000 et d’avantage. Mais je crains que cette question ne soit oiseuse dans le contexte contemporain. Je me suis aussi demandé pourquoi il y avait des troupes ou des théâtres que les critiques décidaient à l’avance de ne pas juger. Ils n’ont pas le temps d’aller les voir et n’ont pas le don d’ubiquité. Ils se créent des « priorités », donc des « exclusions ». Et, chose regrettable, ce sont précisément les plus démunis que frappent ces exclusions. Or, est-ce que ceux qui consacrent plusieurs mois de leur vie à produire ce qui pour eux est une œuvre ne devraient pas avoir le droit d’être vus… et au besoin sanctionnés ? N’est-ce pas de leur existence même qu’il s’agit ? En ces temps de chômage où les stages sont à la mode, ne serait il pas concevable que chaque critique s’attache quelques stagiaires à la vision fraîche que les Assedic rémunéreraient, ou l’ANPE, qui couvriraient tout,et en rendraient compte ? Des rabatteurs en quelque sorte ?
On parle beaucoup de la « charte du théâtre public ». Ne sont-ce pas des règles de vie pour le théâtre qu’il faudrait inventer, et pas seulement dans l’institution ? D’ailleurs, celui qui est dans l’institution est-il toujours digne des faveurs qu’il reçoit ? Où sont les frontières entre le bon et le mauvais ? Quel juge impartial les tracera ?
Existe-t-il vraiment un théâtre « privé » en France ? Au sens où on entend généralement ce mot, je me le demande. En vérité il y a le théâtre « public » (missionné), et le théâtre « assisté ». À la base de la hiérarchie et hors institution, il y a le théâtre « privé de tout », c’est à dire celui des compagnies qui sont soumises à l’étrange règle de devoir, sans moyens aucuns, faire leurs preuves, pour accéder au stade de l’assistanat