Forces de Fraap

Entetien avec Antoine Perrot et Katerine Louineau

Propos recueillis par Valérie de Saint-Do

Dans les années quatre-vingt, au temps triomphant de l’art contemporain, la notion même de collectif semblait incongrue à des plasticiens très éloignés de la loi de 1901.
La crise de la décennie suivante, la difficulté à accéder à une visibilité par le marché ou l’Institution et le désir de montrer l’art autrement ont ébréché l’individualisme dominant dans le milieu. Les années quatre-vingt-dix furent les « cent fleurs » des associations et collectifs d’artistes. Apparue en 1996, la FRAAP (1) les a fédérés et mis leurs débats sur la place publique. Parallèlement, et sur fond de précarité chronique, le CAAP (2) a œuvré depuis les années quatre-vingt pour les droits des plasticiens et la juste rémunération de leur travail. En septembre 2003, la FRAAP et le CAAP organisaient les premières rencontres nationales des artistes plasticiens, dont le groupe REFLEX(E) était partie prenante. D’autres rencontres, réservées aux professionnels, ont suivi en 2004 à Lille et en 2005 à Sotteville-les-Rouen avant un nouveau rendez-vous public à Toulouse en mai 2006. Antoine Perrot, président de la FRAAP, et Katerine Louineau, membre du conseil d’administration du CAAP, mesurent le chemin parcouru.

Cassandre : Comment le paysage de l’art contemporain s’est-il transformé depuis les rencontres de la Villette en 2003 ?


Antoine Perrot :
La fédération a atteint son premier objectif : une crédibilité et une visibilité certaine. Maintenant, un travail interne se met en place : apprendre aux plasticiens à travailler ensemble – l’esprit du collectif est pratiquement inexistant en France, dans les arts plastiques ! Nous avons mis en place une charte de déontologie, un engagement à respecter une éthique. Nous serons les premiers dans le milieu de l’art contemporain ! C’est ce qui construit notre crédibilité. Nous construisons des données sur le milieu de l’art, qui montrent que les associations d’artistes sont le premier diffuseur de l’art contemporain, les premières
à présenter les artistes, à les éditer, à servir de centre de ressources. À partir de là, nous étudions comment elles peuvent réclamer la visibilité et les financements dont elles ont besoin.


Katerine Louineau :
Le CAAP s’intéresse plutôt aux artistes individuels. Aux Rencontres de la Villette, la précarité des artistes était le sujet récurrent. Ce souci ne s’est pas évaporé, mais, grâce à notre travail d’information, les porteurs d’associations connaissent mieux leurs droits. Face à la sous-information dans ce milieu, ça fait une différence ! La charte de déontologie peut contribuer à atténuer à long terme la précarité des plasticiens, si toutefois les rapports de force vont dans le bon sens.

A. P. : Il y a trois ans, on ne parlait pas de droit de présentation (3). Depuis 2003, le ministre a commandé un rapport, qui n’est pas public, mais c’est une avancée. Des départements et des régions sont en train de s’engager sur le paiement de ce droit. C’est un résultat.

Réussissez-vous à peser sur les institutions de l’art contemporain et les politiques ?


A. P. :
Nos associations ont commencé à former des collectifs régionaux et interpeller les élus. C’est à eux que notre travail s’adresse, de plus en plus. Nous leur faisons prendre conscience de la précarité des plasticiens, des associations, et du non-respect des droits. On est presque en train de faire un tour de France, et nous sommes félicités dans les régions pour ce travail pédagogique !
La commission culture de l’Association des maires de France nous a invités à sa première réunion, et le débat s’est ouvert sur ces problématiques : soutien aux associations, qu’est-ce que ça signifie ? Pourquoi y a-t-il autant d’associations d’artistes ? On prouve que
l’outil institutionnel – centres d’art ou FRAC – ne parvient pas à couvrir le champ et à diffuser les artistes.

[…]Extrait – LIRE LA SUITE DE CE TEXTE DANS LE NUMÉRO 64 DE LA REVUE CASSANDRE

DÉCOUVREZ CASSANDRE/HORSCHAMP

1. Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens.

2. Comité des auteurs et artistes plasticiens.

3. Toute personne souhaitant exposer une œuvre d’art, même si elle en est propriétaire, doit obtenir l’accord écrit de l’artiste avant de pouvoir la présenter au public. La loi (article L122-2 du Code de la propriété intellectuelle) exige en effet qu’un contrat soit conclu. En contrepartie de l’exploitation de l’œuvre, la loi prévoit une rémunération pour l’auteur.