Gregory Motton : « Le théâtre ne m’intéresse pas vraiment »

Propos recueillis par Valérie de Saint Do

« Un Pinter inversé, un Orton en accéléré, un T.S. Eliot actualisé » : la critique, anglaise et française ne tarit pas de références pour Gregory Motton, souvent aussi comparé à Swift, pour l’humour féroce de l’auteur des Voyages de Gulliver et la profusion de son imaginaire.
Cette multiplicité de comparaisons qui l’agace, n’est que le paravent du désarroi mêlé d’enthousiasme qui saisit critiques, lecteurs et spectateurs, à la découverte d’une ceuvre inqualifiable, d’une extrême variété de styles et d’inspiration.

Du conte à la satire, Gregory Motton use de tous les genres littéraires et tout peut advenir dans ses pièces. Bestiaires composés d’animaux magiques et doués de paroles, univers mythologiques côtoyant un quotidien britannique, comme dans Chats et souris (moutons) où un petit épicier londonien se réincarne en un Gengis Khan évoquant irrésistiblement Ubu : il ne se refuse rien, surtout pas la métaphore, et l’humour. Que cette profusion puisse être aussi déconcertante met cruellement en exergue la pauvreté de l’imaginaire contemporain.

Cassandre :
On se fait en France une vision idéalisée du théâtre anglais, de la richesse de sa production comme de sa qualité… Quel est votre propre regard sur ce théâtre ?

Gregory Motton : Il y a plus d’auteurs en Angleterre, probablement parce que les metteurs en scène ont moins de pouvoir. Chez vous, de toute évidence, le metteur en scène est la personne la plus importante du théâtre. Sa vision devient plus importante que celle de l’auteur. Ce n’est pas qu’ils aient trop de pouvoir, le problème est plutôt l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et ce que le public attend d’eux. On attend du metteur en scène qu’il ait une vision du texte, et c’est cette vision qu’on veut voir sur scène. Si c’est le cas, ce n’est pas très encourageant pour les dramaturges. Ce qui explique que vous n’ayez pas beaucoup d’auteurs en France. De fait, aucune personne douée d’intelligence n’a envie de subir de telles interférences.