Archives de catégorie : extrait 98

Déplacement(s)

été 2014

OUVERTURE

6 Les esquifs de l’espoir
entretien avec entretien avec Michele Ciacciofera & François Koltès

DÉPLACEMENT(S)

12 Imaginaires de l’immigration
entretien avec Antoine Pécoud

17 L’art du déplacement par Olivier Schneider

18 La maison à l’envers par Coline Merlo

20 L’immigration menace-t-elle la culture ?
par Régis Meyran

22 Cartographie de l’intime par Coline Merlo & Sofia Valdiri

30 Sewol, le naufrage révélateur par Thomas Hahn

33 Agitation et propagande à la MEO par Marina Skalova

36 Les gouffres de la langue entretien avec Alban Lefranc

40 Hospitalité de l’art
entretien avec Sidonie Dresse & Alain Grasset

42 Art et déplacement
par Bruno Boussagol, Michel Gerardin & Bernard Quinsat

45 Déplacements de l’art
entretien avec Olivier Perrot & Chloé Tiravy

HÔPITAL SILENCE !

50 « Cette dans qui ne me lâche plus »
par Marie Limpatiente

SI LOIN SI PROCHE

52 [Espagne] État d’urgence par Irène Sadowska-Guillon

55 Paris-Bamako aller-retour
entretien avec Adama Bagayoko & Jean-Louis Sagot-Duvauroux

60 [Syrie] Guerre et amour entretien avec Fadwa Suleiman

AGORA

63 Le Premier Homme par Jeanne Poitevin

63 Montons chasser les étoiles par Clément Boudin

EFFRACTION

69 Prélude à l’évasion par Marina Skalova

72 Marionnettes en prison entretien avec Fabrice Lévy-Hadida

TERRAINS VAGUES

74 Contre le tri social, le Tri postal
entretien avec Sébastien Eymard & Sébastien Thiery

CHRONIQUE DU THÉÂTRE ORDINAIRE

77 La vie d’artiste par Bruno Boussagol

VILLES ET FESTIVALS

78 Un collectif d’êtres singuliers entretien avec CAP Étoile

83 Un lieu populaire (et exigeant)
Ariel Cypel / paroles sur le vif

85 Hommage à Jean Oury par Annie Starichy

CONTRECHANT

86 Matérialité de l’éxpérimentation artistique
par Antoine Tricot

89 My dinner with Michelle interview with Michelle Kokosowski

Traduction Yves de Saint-Do

PETITES THÉORIES JETABLES

93 par Jacques Livchine

ÉCRITS

94 par Lucien Fauvernier / Valérie de Saint-Do / Thomas Hahn

BRÈVES EN BULLES

96 par Coline Merlo / Antoine Tricot

97 POINTS DE MIRE

 

ÉDITO – DÉPLACEMENT(S)

Il nous arrive, à nous pauvres sédentaires qui ne voyageons plus souvent que sur la toile, de ressentir la nostalgie du déplacement constant de nos aïeux chasseurs-cueilleurs (mode de vie qui se retrouve aujourd’hui encore chez certains groupes de Pygmées, notamment en Afrique centrale).

D’aucuns pensent d’ailleurs que c’est le rejet de ce passé, mêlé d’une confuse jalousie, qui produit dans nos sociétés cette haine irrationnelle de populations réputées nomades – comme celles des Roms – qui le sont peut-être parfois de gré,mais de force souvent, et originellement…

Et il arrive à ceux de ma génération de se souvenir qu’en des temps moins « mondialisés » (où, de ce point de vue, le monde était moins standardisé), la découverte d’autres cultures, de modes d’existence différents, nous permit d’échapper à une atmosphère raréfiée et asphyxiante, de respirer…

Se déplacer, sortir des clous, est un geste vital.

C’est d’abord pour échapper à nos prisons mentales et tenter de se replacer dans l’essentiel, qu’on se déplace. Ce déplacement voulu devient alors recentrement. Et c’est aussi le geste de l’artiste.Mais s’il est vécu comme un arrachement, il détruit.

Alors, qu’est-ce qui relie, au fond, l’art du déplacement urbain de nos « street artistes » contemporains qui, comme Olivier Perrot et Chloé Tiravy, sillonnent les villes de mur en mur pour alerter avec l’outil de l’art, faire entrer dans la conscience des citadins un peu plus que des informations, à ces « arts du chemin » dont parle Bruno Boussagol avec Michel Gerardin et Bernard Quinsat, ou aux tribulations des familles Tsiganes narrées et magnifiquement photographiées par Jeannette Grégori, ou encore à l’émigration forcée – racontée par François Koltès – de ceux qui pensent trouver sur les côtes d’Europe un refuge qui les éloigne d’un destin bouché dans une Afrique dévastée et finissent par s’abîmer dans une effroyable tragédie ?

Il y a une marge immense, évidemment.

Le déplacement peut être salutaire, enrichissant, formateur, lorsqu’on le choisit librement, et tragique lorsqu’on le subit, que ce soit pour fuir une situation devenue invivable, ou qu’il soit imposé.

En ces temps où les seuls déplacements favorisés sont ceux de l’argent des multinationales (et les délocalisations d’industries) et où une désastreuse politique migratoire européenne dresse des murs insupportables devant ceux dont on a détruit le biotope naturel, culturel et social, en ces temps où de sinistres nationalismes, fruits d’une ignorance entretenue et encouragée, fleurissent sur notre continent, il est bon de rappeler que la rencontre de l’autre est, avant tout, notre oxygène. Et la base même de ce qu’on nomme « culture ».

Nicolas Roméas