Archives de catégorie : extrait 67

RES PUBLICA

Automne 2006

  • p. 2 Démentir Cassandre/Éditorial par Nicolas Roméas
  • p. 7 GRAND TÉMOIN > Entretien avec Régis Debray

CHANTIER

  • p. 11 Ressources propres ?/Valérie de Saint-Do
  • p. 14 Malraux, réveille-toi ! (Abécédaire de la novlangue culturelle)
  • p. 18 La culture, éternelle « exception »/Entretien avec Catherine Trautmann
  • p. 22 L’ère de l’ingénierie culturelle/Jérôme Robert
  • p. 26 Du chiffre avant toute chose !/Thomas Hahn
  • p. 30 L’esprit de la tontine/Entretien avec Daniel Le Scornet
  • p. 34 La transmission, une affaire publique/Frédérique Aufort
  • p. 38 On achève bien les mimes…/Thomas Hahn
  • p. 40 Une école rêvée/Olivier Claude
  • p. 42 Humour noir au colloque/Thomas Hahn
  • p. 44 Brèves histoires citoyennes
  • p. 46 AGORA > Je ne comprends pas/Michel Parent
  • p. 47 > Point de vue, images des mondes/Marc Tamet
  • p. 48 > Pour mémoire, Marc François/Ph.-Ahmed Braschi

HORSCHAMP

  • p. 50 VILLES ET FESTIVALS > Encore et toujours résistants/Nicolas Roméas, Valérie de Saint-Do et Samuel Wahl
  • p. 54 VILLES ET FESTIVALS > Bonjour, plancher des vaches !/Annabelle Weber
  • p. 56 VILLES ET FESTIVALS > Les 20 ans de mister d’Jazz/Myriam Blœdé
  • p. 60 VU DE FACE > Le duende du ch’timi/Entretien avec Jacques Bonnaffé
  • p. 62 VU DE FACE > Formation rimbaldienne/Entretien avec Philippe Renault
  • p. 64 EFFRACTION > Plis, replis, déploiements/Samuel Wahl
  • p. 67 CHRONIQUE DU THÉÂTRE ORDINAIRE > Bruno Boussagol
  • p. 68 SI LOIN SI PROCHE > Europe (Commencer par le théâtre)/Entretien avec Élie Malka
  • p. 72 > Attention aux forteresses !/Entretien avec Declan Donnellan
  • p. 74 > Torino internazionale/Thomas Hahn
  • p. 76 Un théâtre pour sortir du silence/Entretien avec Issam Bou Khaled
  • p. 80 VILLES ET THÉÂTRES > Où sont mes racines ?/Entretien avec Gabriel Debray
  • p. 84 SENS DESSUS DESSOUS > Joël Kerouanton
  • p. 86 PARTI PRIS > À la recherche du temps public/Marc Tamet
  • p. 88 ÉCRIT > D’une rive l’autre/Mémoire française/Olivier Claude
  • p. 91 PETITES THÉORIES JETABLES > Jacques Livchine

Un théâtre pour sortir du silence

Entretien avec Issam Bou Khaled

par Irène Sadowska-Guillon

Alors que la guerre n’a toujours pas dit son dernier mot au Liban, le collectif d’artistes Shams, implanté dans le quartier sud de Beyrouth, particulièrement visé par les bombardements de juillet dernier, ne désarme pas. Par son travail théâtral, Issam Bou Khaled, metteur en scène et président de Shams, refuse la fatalité de la guerre, dénonce le discours consensuel, brise la loi du silence en rendant la parole aux sans-voix.

Cassandre/Horschamp : Quel a été l’impact et la réception de Maaarch, mémoire de votre guerre du Liban et de bien d’autres : Bosnie, Afghanistan, Tchétchénie, Irak…

Issam Bou Khaled : Après la création du spectacle qui s’est joué pendant un mois et demi à Beyrouth, puis en décembre 2004 au Piccolo Teatro à Milan, il y a eu la crise au Liban : l’assassinat de Rafic Hariri et le départ de l’armée syrienne. Nous avons été invités dans divers festivals, entre autres dans les Émirats arabes unis, à Carthage. La réaction des publics à ce spectacle sans texte, violent, qui casse tous les canons théâtraux, dans des pays où l’on fait un théâtre plutôt conventionnel, était forte : la surprise, le choc.
Depuis, nous avons reçu d’autres invitations pour jouer Maaarch, mais nous n’avons pas assez de moyens pour nous déplacer. Bien que notre travail soit reconnu, nous
ne sommes pas subventionnés par le ministère de la Culture. Le travail de Shams non plus. Le ministère de la Culture soutient des grands concerts avec des stars lyriques, des festivals exotiques ou de folklore, du tourisme culturel.

Comment Shams résiste-t-il au drame actuel ?

Le collectif compte aujourd’hui dix-huit membres avec autour de nous de jeunes artistes de diverses disciplines.
Après avoir travaillé au Théâtre de Beyrouth, nous avons construit le centre culturel Dawar Shams (le Tournesol) dans
un ancien entrepôt détruit pendant la guerre, situé à la frontière entre la banlieue sud de Beyrouth, majoritairement musulmane, et la banlieue est, majoritairement chrétienne, où la guerre a commencé en 1975.
Plusieurs fondations, petites et grandes, des associations libanaises, des banques nous ont aidés à construire ce centre. Nous nous sommes endettés pour cinq ans d’environ 150 000 dollars US. C’était une folie, mais nous avons pu ainsi poursuivre nos activités. Ce nouvel espace fonctionne depuis septembre 2005.
Nous sommes tous bénévoles, travaillant parfois dix-huit heures par jour. Si nous ne faisions pas cela, nous ne pourrions pas continuer.

Quels liens Shams a-t-il tissés avec son public et la population environnante ?

Nous sommes soutenus par un public fidèle : les jeunes, les étudiants, qui savent que cet espace leur est ouvert, qu’ils peuvent s’y exprimer.
Les théâtres et toute l’activité culturelle étant concentrés au centre de la capitale, notre combat a été de faire du théâtre là où il n’existait pas.
Notre programmation, militante, est liée à ce qui se passe maintenant à Beyrouth et dans la société libanaise. Chaque spectacle fait partie d’une manifestation articulée sur une problématique précise. Ce n’est pas médiatique, mais faire du théâtre de cette façon a un sens et une raison d’être aujourd’hui.

Un théâtre nécessaire, qui résiste, qui affronte les tabous ?

Je fais du théâtre pour me sentir vivant.
Je mets en scène parce qu’il y a nécessité à parler d’un problème, non pour fabriquer un spectacle.
Je travaille sur la guerre, la religion, l’identité, des thèmes que j’ai déjà largement traités avec Roger Assaf, mais aujourd’hui je les aborde par le biais de l’humour noir.
Depuis la fin de la guerre au Liban et surtout après l’assassinat de Rafic Hariri, nous vivons dans un état de guerre larvée.
J’ai parlé de cela déjà dans Archipel1, créé en 1999, sur un mode absurde. Puisqu’on n’arrive pas à trouver les raisons de la guerre ni à l’arrêter, faisons l’hypothèse qu’elle peut être positive et acceptable et qu’on va la faire tout le temps.

1. Archipel sera présenté lors de la saison 2007-2008
à Paris au Tarmac.

Postscriptum
L’entretien avec Issam Bou Khaled a été réalisé fin juin dernier lorsqu’il présentait
à Paris au Tarmac son spectacle Maaarch. Deux semaines plus tard le Liban était de nouveau le théâtre de la guerre. Roger Assaf, Issam Bou Khaled et leurs compagnons du collectif Shams résistaient et continuaient à travailler dans la banlieue Sud de Beyrouth particulièrement ciblée par les bombardements. « Nous allons bien », disaient-ils dans leurs messages, appelant à la solidarité avec les Libanais pris en otage dans un conflit meurtrier. Ils témoignaient de la barbarie
des destructions des villes, des quartiers de Beyrouth réduits à des tas de pierres, des populations massacrées ou déplacées. Le cessez-le-feu sous contrôle de la Finul est fragile. La paix et la reconstruction du Liban sont des enjeux capitaux de la stabilisation de la situation au Proche-Orient. Des associations ont appelé à la solidarité, au soutien au Liban, tel que le collectif Tous Ensemble le Liban.

Europe (Commencer par le théâtre)

Entretien avec Élie Malka

Propos recueillis par Nicolas Roméas

Créée par Giorgio Strehler en 1990 pour participer à la construction d’une Europe culturelle et artistique, l’Union des théâtres de l’Europe cherche aujourd’hui à réaffirmer son rôle en une époque qui se préoccupe de moins en moins de ces sujets. Élie Malka, son actuel directeur, tente de garder le cap.

Cassandre : Étant donné les origines historiques et philosophiques de l’Union des théâtres de l’Europe, liées à un moment précis de l’Histoire et à une personnalité aussi marquante que Giorgio Strehler, quel chemin imaginer aujourd’hui qui soit fidèle à cette filiation et capable d’exister dans le présent totalement différent qu’on connaît ?

Élie Malka : Le but de l’Union, tel que Strehler l’avait défini, c’était de contribuer, en tant que gens de théâtre, à la construction de l’Europe. C’était une contribution politique, par l’artistique. Lui-même était très attaché
à l’échange entre coproductions de langues différentes, de théâtres différents, de pays différents ; au partage entre metteurs en scène, entre comédiens de plusieurs langues pour sortir un spectacle ensemble ; très preneur de débats sur les questions qui sont au cœur du théâtre : comment on fabrique des comédiens ou des metteurs en scène, la transmission du savoir, la traduction des œuvres…
Il disait : « Traduire, c’est trahir, mais on ne peut pas faire autrement. » C’est un chantier ouvert. Ce qui l’a beaucoup intéressé, ça a été de monter des expositions de grands scénographes vivants qui pouvaient être très importants dans leur pays, mais inconnus ailleurs. De faire circuler ces expositions.
Ça a démarré en 1990.
L’Union, à ses origines, était très restreinte, il y avait sept théâtres, ainsi que sept personnalités à titre privé. Aujourd’hui, nos buts sont encore ceux-là : le travail en commun, l’ouverture vers l’étranger, et non seulement sous forme de festivals. Travailler ensemble, accueillir pour trois semaines, pour un mois, un spectacle, dans sa langue, même sans surtitrage. Et le faire de manière régulière. Ça n’est pas encore le cas en Europe. Un peu en France, mais pas sur une grande durée,
ni toute l’année.
À l’Odéon, il y a 25 % de productions étrangères, alors qu’à sa construction, il y en avait 85 %. Il reste encore beaucoup à faire.

Ce qui est intéressant dans l’orientation qui a été prise peu à peu, c’est que sur la base de grandes maisons très reconnues, chacune dans son pays, vous avez commencé une ouverture à des lieux plus fragiles, porteurs d’une conception du théâtre très ouverte.

Absolument. Dès le début, il y avait une différence entre de grandes maisons occidentales et de petites maisons, souvent d’Europe orientale. Par exemple, le Théâtre Katona, sans doute le meilleur théâtre en Roumanie était une toute petite structure, de 300 places… Il y avait un équilibre à trouver entre l’Occident et l’Orient, et entre les grandes maisons et les petites. On a continué à faire adhérer de grands et de très petits théâtres, que nous choisissions pour leur ouverture à d’autres formes, à des initiatives… Il ne s’agit pas seulement de production théâtrale. Par exemple, ce théâtre merveilleux à Palerme, le Théâtre Garibaldi, qui a moins de 200 places, mais qui est un lieu très inspirant. Beaucoup de grands metteurs en scène sont passés par là… C’était une ruine ouverte, maintenant couverte de verre – on y voit encore le ciel. On ne peut pas y jouer en hiver, parce qu’il pleut à l’intérieur. C’est un théâtre très fragile, mais très impliqué sur le plan social. Implanté dans la zone la plus problématique de Palerme, il travaille avec des enfants, des délinquants, entre autres.
Le Théâtre de La Abadia à Madrid, qui a adhéré plus tard, occupe deux petites chapelles, qui ne peuvent pas accueillir beaucoup de monde, mais il fait un travail exceptionnel autour de la dramaturgie moderne et étrangère. Avec le peu d’argent qu’ils ont, ils invitent les meilleurs metteurs en scène européens. Le directeur, José Luis Gomez n’a malheureusement pas été invité à Paris depuis que Luis Pascual a quitté l’Odéon. Le Théâtre national de Porto nous
a rejoints. C’est le deuxième théâtre national du Portugal, basé sur un grand théâtre à l’italienne et un tout petit théâtre moderne. Un jeune metteur en scène de 30 ans, qui fait partie de sa direction, travaille dans les prisons de Porto et fait des tournées avec les prisonniers. Personne ne s’est encore échappé !

Y a-t-il une charte à laquelle il faut souscrire quand on veut faire partie de l’Union ?

Oui. Chaque théâtre connaît nos statuts et, dans le premier chapitre, le but de l’association est précisé. Pour adhérer, il faut remplir trois conditions : être un théâtre de production et pas seulement d’accueil, un théâtre d’art réputé pour son niveau artistique, (c’est-à-dire le contraire d’un théâtre commercial) et troisième critère, prouver son ouverture envers d’autres dramaturgies d’Europe, à travers des voyages, des traductions ou l’accueil de théâtres étrangers.
L’accent est mis sur la circulation à l’intérieur de l’Europe, au moment où celle-ci est en train de devenir une forteresse fermée à ses anciennes colonies…
On a fait adhérer un théâtre israélien l’année dernière, un théâtre qui n’est pas européen, mais qui a une tradition européenne. Ou un théâtre de Belgrade et des théâtres en Russie, des pays qui ne font pas partie de l’Europe politique.
Des théâtres membres ont proposé une ouverture très différente de celle des origines. Par exemple, le Piccolo Teatro, qui était vraiment porteur de la culture européenne de l’UTE – beaucoup plus que l’Odéon -, grâce à la présence quotidienne de Strehler, préfère depuis quelques années privilégier le théâtre méditerranéen. Je pense que leur prochaine étape sera de s’ouvrir vers l’Asie.

La culture, éternelle « exception » : Entretien avec Catherine Trautmann

Propos recueillis par Nicolas Roméas et Annabelle Weber

Le passage de Catherine Trautmann au ministère de la Culture, entre juin 1997 et mars 2000, suscita un vrai espoir.
En rappelant – plus ou moins stratégiquement – les institutions à leurs missions de service public avec l’instauration d’une charte1, elle s’inscrivait en faux contre les abandons de responsabilité et les dérives carriéristes. Et renouait avec le sens profond de l’action publique en matière culturelle. Mais les pesanteurs des pouvoirs et la réalité internationale ont eu raison de ce bel engagement…

Cassandre : Pourquoi une « charte » des missions de service public de la culture ?

Catherine Trautmann : La charte était une étape. Il fallait contractualiser. Il fallait avancer de pair avec une vision du service public liée aux caractéristiques de la République. Nous avons beaucoup travaillé sur l’accès aux archives, mais nous avions conscience que ça ne concernait pas seulement le patrimoine. Cela touchait aussi
le spectacle vivant, le théâtre, la musique, la danse, la photo. Tout ce qui produit le décalage entre la réalité perceptible a priori et un autre regard, qu’il faut interroger…
Comme l’a écrit Lukács, « la culture est l’humanité de l’humain », c’est-à-dire la part la plus fragile, la plus singulière.
C’est ce qui permet à chaque individu de trouver sa liberté, de définir ses choix, de se situer et d’avoir un appétit d’art.
Il fallait une réforme du Ministère pour le consolider dans sa pérennité. Il fallait en faire une administration transformée, modernisée, plus équilibrée.
J’avais constaté la fragilité des secteurs qui relevaient d’une forme de recherche, de prise de risques, d’engagement. Il fallait rebâtir cette architecture avec une solide transversalité.
À la fin du XXe siècle, on est passé du ministère des Beaux-Arts au ministère de la Culture. Et, avec le temps, on n’a pas pris la vraie mesure des évolutions technologiques.
Avec la convergence entre les disciplines artistiques et les technologies de communication, on est au bord d’une révolution qui risque de tout faire exploser.
C’est un débat international.

Vous êtes arrivée au moment où la décentralisation culturelle était la fin d’un cycle. Les pouvoirs s’étaient figés, la circulation avait cessé d’être la priorité, des baronnies s’étaient consolidées. Et les barons en question ont fait obstacle à votre travail. Dans cette situation, vous n’avez pas été fortement défendue par le gouvernement auquel vous apparteniez… Comment expliquez-vous une telle faiblesse de la part d’un gouvernement socialiste en matière de culture ?

Il y a une chose pour laquelle je milite et qui n’est pas acquise, en ce qui concerne la place de la culture dans la République. La République, c’est un corps de droit, c’est une invention, une création juridique, mais ce sont aussi des références culturelles. Toute pensée politique qui s’intègre dans la démocratie ne peut se concevoir sans être perçue et défendue comme un apport culturel. J’ai toujours considéré qu’un projet politique était de nature culturelle. La culture n’est ni un supplément d’âme, ni un simple chapitre.

Vous n’avez apparemment pas réussi à convaincre… Aujourd’hui encore, quelle place tient la culture dans le programme de votre parti ?

Je sais bien. Je crois qu’il y a aussi une fermeture de certains milieux culturels. Cette distance, ce refus de traiter des questions concrètes – les intermittents, par exemple -, ça nous coûte cher aujourd’hui. J’ai regretté qu’on ne se mette pas d’accord à l’époque : nous étions à deux doigts d’y parvenir…

Vous avez soulevé la question des responsabilités des décideurs face à l’État central.

Oui. Je me suis beaucoup impliquée dans tout ce qui était « service public », au sens du travail avec les publics et en direction des publics. J’ai compris qu’il fallait que les publics soient présents dans le débat.
Ce qui se passait à l’époque, avec la préparation des négociations internationales, c’était le pot de terre contre le pot de fer. Une guerre de résistance.
Il fallait déplacer le terrain de l’exception culturelle à la diversité. Aujourd’hui, la diversité culturelle est un bon instrument si l’on se réfère à la convention de l’Unesco. Mais elle n’est pas encore réellement appliquée en France. La charte des missions de service public est fondée sur la définition des responsabilités. Savoir ce dont chacun a
la charge permet de garantir les espaces d’intervention. Mais ça doit aussi donner à l’État une responsabilité. L’intérêt du service public, c’est de crédibiliser une démarche artistique, qui doit éventuellement chercher des financements complémentaires… On ne peut pas vivre uniquement avec la commande publique. L’État doit assurer la fin d’un projet qu’il soutient par la hauteur de sa participation, la fiabilité de son engagement. Il ne doit pas retirer ou diminuer ses moyens.
Une autre priorité, ce sont les enseignements artistiques dans une société dont l’économie change, qui devient moins industrielle, moins productive au sens classique,
et plus axée sur les services, donc sur l’organisation de la vie et de la société, sur des contenus culturels… Si l’on n’est pas à même d’offrir aux gens une connaissance qui leur permet de prendre leurs distances par rapport au bombardement publicitaire dont ils sont l’objet, on n’en fait pas des citoyens.

1. Charte des missions de service public de la culture.

Ressources propres ?

Par Valérie de Saint-Do

Cela ressemble à ces insupportables musiques de supermarché. Une ritournelle obsédante, diffusée jusqu’à l’écœurement dans les bureaux des décideurs politiques comme dans les formations au « management » culturel : les subsides de l’État n’augmenteront pas. Il faut chercher ailleurs…

Si les collectivités territoriales ont pris la relève de l’État – jusqu’à assurer plus de la moitié du financement de la culture en France -, leurs fonds ne sont pas inépuisables. Face à la baisse des subventions, il faut donc que les institutions, compagnies, artistes, trouvent des « ressources propres ». Et ils sont vivement incités à s’adresser aux entreprises, que d’aucuns n’hésitent pas à considérer comme la nouvelle manne d’une culture française en mal de rayonnement.
La convention UMP sur la culture prévoit même une « obligation de résultats » en ce domaine pour les institutions culturelles publiques.
Toute une nuée d’artistes « émergents » (parfois depuis fort longtemps), de responsables culturels – et non des moindres – s’engouf-frent alors dans la brèche, rêvant de princes éclairés, de marchands excentriques, de Gulbenkian du XXIe siècle…
Au risque de voir très vite leurs yeux se dessiller.
Même si nous sommes – heureusement – encore loin de la situation britannique, où il devient quasi impossible de concevoir la moindre activité artistique sans soutien privé, les logos se sont mis à fleurir sur les affiches et dossiers de nombre d’institutions culturelles – soigneusement choisies, cela va sans dire.
Nous n’en sommes plus exactement à l’époque du milliardaire amateur d’art éclairé, ni à celle de l’excentricité du prince. Ce que l’on appelle « mécénat » se réduit la plupart du temps à du sponsoring : une opération de communication où, pour chaque euro placé dans l’exposition, le festival ou le concert, un euro est investi pour en faire parler. Soyons certains que le choix des heureux bénéficiaires n’est pas laissé au caprice d’un riche amateur d’art, mais aux stratégies minutieusement étudiées d’un staff de communicants. Et quoi de plus « porteur » que ce qui est déjà reconnu, labellisé dans l’excellence artistique, sous l’égide du luxe et de la branchitude ? Plutôt l’opéra que le théâtre en banlieue, le Palais de Tokyo que l’art singulier, le musée du Louvre que le documentaire engagé.
Quant à l’action artistique souterraine, loin des sunlights, celle qui s’adresse aux populations a priori éloignées de la culture, dans les banlieues, en milieu rural, bref, celle qui répond précisément aux missions de service public, elle n’a évidemment aucune chance de retenir les « créatifs » en mal de « cibles ». D’ailleurs, ce n’est pas leur boulot.

Une esthétique de « créatifs » ?
Le silence ou, pire, l’acquiescement béat des responsables d’institutions culturelles et des décideurs politiques, confine, au mieux à la foi du charbonnier, au pire à la destruction concertée de l’action culturelle publique. Quand la communication du musée des Arts premiers se confond avec celle de Pernod-Ricard ; quand le directeur du Louvre affirme que ce n’est que grâce au mécénat qu’il peut organiser des expositions « audacieuses » ; quand des plasticiens, architectes et designers fameux se prêtent complaisamment à la commande d’une grande marque du luxe pour illustrer ses « icônes » commerciales, on est en droit de s’interroger : opportunisme ou naïveté ?
Ou, tout simplement, un incommensurable vide de réflexion politique sur le rôle de l’art et de la culture ?
Beaucoup voguent sur l’illusion d’un complément de revenu confortable, sans trop de contreparties. Le mécénat, en France, ne représente qu’une fraction modeste1 du financement des institutions culturelles. Juste de quoi permettre aux PDG des généreuses entreprises de s’afficher devant les caméras, les soirs de première et de vernissage.
Mais qu’en sera-t-il lorsque ces institutions seront soumises à une « obligation de résultats » en termes de mécénat, comme le prévoit la convention de l’UMP en matière culturelle ? Si les entreprises flairent la plus-value cuturelle des manifestations de prestige, c’est que celles-ci sont déjà fortement repérées et soutenues, voire organisées par
l’État. Qu’en sera-t-il si les pouvoirs publics se défaussent ? On peut craindre que l’intérêt tout frais des « tycoons » du CAC 40 pour l’art ne retombe vite.
Par ailleurs, peut-on croire que les entreprises subitement intéressées conserveront longtemps une neutralité bienveillante vis-à-vis de toutes les formes de la culture ? Les exemples d’une inflexion insidieuse existent. Le Palais de Tokyo fait plancher les artistes sur le thème de
« la peau » pour complaire à une marque de cosmétiques ; une marque de produits jardiniers juge une action en milieu rural « trop politique ». Sans parler de l’inceste récurrent entre mode, design et art contemporain, qui réduit les plasticiens au rôle de stylistes.
On fit parfois au ministère de la Culture le procès d’être celui de l’accès à la culture bourgeoise. Le mécénat ressemblerait plutôt à un passeport pour la culture « bobo ».
Avec, hélas ! la bénédiction des pouvoirs publics.

1. Le constat est global sur l’ensemble des budgets culturels. Mais le mécénat représente une part importante du budget de certaines institutions prestigieuses, et jusqu’à 50 % de celui du Palais de Tokyo.

Grand témoin : Entretien avec Régis Debray

Propos recueillis par Nicolas Roméas et Valérie de Saint-Do

Il en ronronnerait presque de plaisir, comme un matou prêt à bondir sur une souris, lorsque ses adversaires le traitent de « nouveau réac ». L’ex-guérilléro sait que la révolution se nourrit de mémoire. Auxdits adversaires, il a donné du grain à moudre, à l’automne 2005, avec Sur le pont d’Avignon, pamphlet corrosif (et drôle) sur l’irrésistible ascension de l’esthétique toc et branchée dans le théâtre public. Haro sur le baudet, profane des nouvelles esthétiques théâtrales ! hurlèrent les professionnels de la profession.
Il préfère en rire et, pas si profane, nous livre ses analyses.

Cassandre : Vous faites partie de ceux qui ont toujours su que le théâtre est un art politique, et il se trouve que nous avons eu la même perception du festival d’Avignon 2005. Nous avions l’impression d’une imposture flagrante quand on proposait, comme ultime expression de la recherche, des performances datées et des choses qui perdent leur sens quand elles sont transférées dans la cour du Palais des Papes. Vous avez écrit « la performance ne permet pas l’inauthenticité » : nous nagions dans l’inauthentique.

Régis Debray : Oui. Tous les révolutionnaires que j’ai connus – et j’en ai croisé un certain nombre – étaient des gens de mémoire, de transmission ; ils cherchaient d’autant plus la rupture qu’ils avaient la continuité au ventre. Je suis arrivé naïvement en Avignon, avec des souvenirs en tête. Vous l’avez bien dit, théâtre et politique sont liés ; c’est pourquoi on est toujours gêné de parler de théâtre, parce qu’il faudrait d’abord parler de politique. Le mot de Gémier est vrai, « le théâtre est beaucoup plus régi par l’esprit public qu’il ne régit l’esprit public ». Le théâtre est un effet qui permet d’analyser les causes.
L’Avignon que j’ai connu adolescent était lié à une immense espérance politique, à des forces sociales organisées, en mouvement : en gros, le mouvement ouvrier français et ses annexes petites-bourgeoises, dont je faisais partie. Cinquante ans plus tard, on trouve un nouvel état de société, un nouveau vocabulaire, de nouveaux dispositifs, de nouvelles attentes, et c’est cela qu’Avignon m’a permis de mieux comprendre : cette régression, cette déliquescence.
Alors, j’ai voulu la rendre un peu gaie dans ce pamphlet.
La question est de savoir si le théâtre peut survivre… Il est absurde de penser que cet art est impérissable. Le théâtre est né en Grèce avec la vie politique au sens premier, la vie de la Cité, c’est-à-dire avec des mécanismes de délibération, de représentation, de partage, qui ont disparu à la fin de l’Antiquité. L’Occident a vécu presque sans théâtre pendant mille ans, on peut survivre sans théâtre, physiologiquement parlant.
Un cycle ouvert par la Révolution française est en train de se conclure ; le cycle, proprement politique, où les hommes s’organisent en fonction d’idées et où une représentation du monde inspire une organisation du monde. Une vision de la société structurée non par un principe dynastique, ou territorial, mais par un principe idéologique.
ça, c’est né en 1791. Il est certain qu’on arrive au terme de ce cycle, les militants devenant des supporters, et la Star Academy régissant les modes d’organisation des partis. Peut-on attendre du théâtre qu’il traverse, imperturbable, cette métamorphose ?
Je ne le pense pas.
Reste cet invariant extraordinaire : les êtres humains nous livrent leur vérité… Ou plutôt : la vérité d’un être humain devient visible à travers sa représentation, à travers le jeu, le mime, la symbolisation. C’est ce qui reste. Cela dit, pendant mille ans la symbolisation de la vie humaine s’est faite religieusement, à la messe, dans les cathédrales, dans les églises, à travers des liturgies…
Aujourd’hui, le théâtre n’occupe plus une place centrale dans le débat intellectuel et social. C’est un phénomène nouveau, lié à l’évolution technologique. Les technologies de présence immédiate ont supplanté les techniques de représentation. Le live a remplacé le différé. Or, le théâtre est lié à l’incarnation, mais aussi à la capacité d’évoquer le plus par le moins. De nos jours, pour évoquer le plus, on veut du plus. Si on vous parle d’un massacre, vous voulez que sur l’écran il y ait des cadavres, du sang partout…

Il y a et il y a eu des formes antérieures, au sein de cultures dites « primitives » ou « premières », qui ne sont pas sans lien avec les rituels qui furent à l’origine du théâtre grec… Il y a là quelque chose d’essentiel.

Oui, aucune culture ne peut pas se passer du jeu, du mime, de la pantomime. Homo ludens, c’est fondamental, l’homme est un animal symbolique, il vit le présent en fonction d’un ailleurs, donc il peut représenter des choses absentes… C’est la structure symbolique de l’être humain. Le masque, l’invocation des esprits, le dialogue avec les gens qui ne sont plus là, l’apparition des morts et des grands ancêtres, sont liés à la condition humaine. Mais la forme du théâtre, la coupure entre salle et scène…

ÉDITO

« Démentir Cassandre »

Par Nicolas Roméas

Sera-t-il bientôt encore possible de tenir le rôle que nous nous sommes assigné, celui de la prophétesse qui alerte pour être démentie, qui souhaite que l’on écoute son message afin d’éviter la catastrophe, plutôt que se contenter paresseusement de croire qu’elle annonce toujours le pire ?

Pourrons-nous longtemps défendre, dans ce pays, ce que nous mettons en avant depuis plus de dix ans dans ces colonnes : un art en prise avec les réalités d’une société en dehors du divertissement et du commerce, libéré des critères quantitatifs ? Un service public de la culture qui permet de considérer que le geste artistique défend d’autres valeurs que celles de l’économie et ne doit donc pas subir son emprise ?

Ça n’est pas sûr.

Chacun le sait, l’époque est dangereuse.

Si nous n’introduisons pas la question dans le jeu politique, ce qui a été construit de façon exemplaire dans notre pays en matière d’institutions culturelles risque fort d’être peu à peu démantelé.
Il faut donc d’urgence réfléchir à ce que représente
une véritable politique culturelle. Une politique qui
cherche, qui veut quelque chose, qui a un but, un objet. Une politique intelligente qui prend en compte le rôle majeur, prépondérant, de l’art et de sa circulation
dans la construction des citoyens et dans celle d’une société humaine.
Il faut aussi, alors qu’on le présente comme une alternative heureuse, analyser en quoi consiste vraiment ce miroir aux alouettes qu’est devenu le mécénat. C’est-à-dire, le plus souvent, pas autre chose qu’un sponsoring déguisé : un investissement qui attend son retour, fait par des entreprises qui ne soutiendront vraiment que ce qui leur rapporte en termes d’image ou d’argent.

Il faut analyser la vie culturelle et artistique des États-Unis aujourd’hui – notamment dans les arts vivants – ou ce qu’ont produit les années Thatcher en Grande-Bretagne et Berlusconi en Italie, pour comprendre ce qui nous attend si nous substituons l’intérêt privé à l’esprit public. Si nous ne sommes pas capables de stopper
l’actuelle vague de destruction qui s’abat pesamment sur l’Europe.

Il faut également essayer de comprendre comment
et pourquoi ont échoué les tentatives courageuses
et justes faites dans un passé récent pour réinjecter de la démocratie et du cahier des charges dans un service public touché par quelques dérives : goût des paillettes, vedettariat, personnalisation du pouvoir…
La charte des missions de service public de la culture initiée par Catherine Trautmann en 1998 est un bon exemple de ces tentatives.

Le gouvernement auquel elle appartenait aurait dû logiquement prendre très au sérieux la question culturelle, dont François Mitterrand avait (plus ou moins bien) compris l’importance pour notre pays.

Or, il ne l’a pas fait. Catherine Trautmann, candide ovni dans le monde feutré des manœuvres politiciennes de
la capitale, n’a pas été bien soutenue. Et la question fondamentale qu’elle voulait poser, celle du sens de l’action publique dans la culture, n’a pas été portée comme elle le devait.
Une charte, ça n’était guère coercitif. Sans doute était-ce insuffisant pour rappeler et marquer avec force
les responsabilités des uns et des autres dans l’usage de l’argent public. La circulation de l’art dans ce que l’on appelait les déserts culturels – moteur de la première décentralisation thêatrale – ayant été quelque peu délaissée avec l’usure du temps et les pouvoirs s’étant figés dans les structures décentralisées, on n’osa pas aller plus loin.

Mais c’était déjà trop.

Déjà, à l’époque, il est intéressant de le constater,
mettre en application des règles de simple bon sens demandait non seulement de la pugnacité, mais aussi beaucoup de stratégie.
Déjà, à l’époque, les soutiens à une telle démarche –
de la part des politiques comme des décideurs culturels – ne furent pas pléthoriques.
Et les obstacles – venus de la pesanteur des pouvoirs et de la défense d’intérêts personnels – se sont avérés beaucoup plus puissants que l’élan idéaliste de notre très aimable ministre strasbourgeoise.
On ne peut donc pas tout espérer d’une alternance. Notre espoir, et nous devons y travailler ensemble, c’est que l’art et la culture soient enfin considérés (même si nous ne sommes pas au lendemain d’une guerre mondiale) comme des outils essentiels de civilisation, dont le monde politique – dans toutes ses obédiences – ne peut jamais faire abstraction.

Nous avons du pain sur la planche, direz-vous.

OUI. Mettons-nous ensemble au travail.

« RES PUBLICA »

Il est ici question du rôle de la culture et de l’art dans la construction des citoyens et de la société.
Encore faudrait-il qu’une véritable politique culturelle – portée par une réflexion de fond – lui en donne enfin les moyens.

« Pourquoi il est important de signer et de faire circuler l’APPEL de Cassandre », par Nicolas Roméas

Depuis une soixantaine d’années, notre pays a su construire un service public qui a permis d’envisager le geste artistique en dehors des critères – et de l’emprise – de l’économie. Sommes-nous encore en mesure, dans le contexte mondial et européen actuel, d’enrayer la destruction de ce service public qui, pour être assez exemplaire en Europe, n’échappa pas à certaines dérives ?
C’est ce dont nous entretenons avec l’ancienne ministre de la culture de Lionel Jospin Catherine Trautmann, qui analyse les raisons de l’échec relatif de sa politique en faveur des arts vivants. Elle souligne les obstacles rencontrés, lorsqu’en 1998 elle tenta, avec une fameuse charte, de rappeler à leurs responsabilités les structures bénéficiant de soutiens publics.

Aujourd’hui, pour compenser une baisse des subventions effective et prévisible, les décideurs politiques incitent artistes, compagnies et institutions, à augmenter leurs ressources propres en cherchant des fonds « ailleurs ». Ailleurs, c’est-à-dire auprès de partenaires privés. Si nous sommes encore loin du système britannique, on peut s’inquiéter des dangers pour la liberté de création que représente l’intrusion massive de l’argent privé dans le secteur public.


Le secteur privé, avec sa vision « entrepreneuriale » de la culture, tire les institutions culturelles vers une logique quantitative dans un but de valorisation d’image ; logique où la création au long cours n’a évidemment pas sa place. Alors, le mécénat, alternative heureuse pour le financement de la culture, ou miroir aux alouettes ?
L’une des options choisie par certains pour échapper aux difficultés de l’époque, c’est la mutualisation des moyens, dans la tradition coopérative née des luttes du 19e siècle. C’est ce dont nous parle Daniel Le Scornet, qui s’est efforcé, avec le projet d’une Mutuelle Arts Sciences Social Culture (MASC), d’extrapoler à la culture les principes de l’économie solidaire…

Le domaine de la formation est évidemment fondamental : c’est là que se transmettent les valeurs et que se construisent les méthodologies des futurs décideurs. L’immixtion de la culture du « privé » y est alarmante : les filières de management et d’ingénierie culturelle, qui se multiplient, axent leur enseignement sur les notions de gestion, de communication, de rayonnement, de rentabilité. Cassandre dénonce ce cheval de Troie de l’esprit marchand dans le domaine public. Le piège est aussi sémantique : les nouveaux consultants usent d’une novlangue digne du 1984 de Georges Orwell, dont nous proposons un florilège.

En parallèle, entretiens avec Etienne Bonduelle, directeur du Centre National du mime, qui revient sur la fermeture de l’Ecole Marceau par la Ville de Paris — fragilisant gravement les arts gestuels en France – et avec Jean-Louis Hourdin, qui a racheté en 2003 la maison de Jacques Copeau, à Pernand-Vergelesses.
Dans les rubriques Horschamp des nouvelles des festivals résistants : Uzeste, Est-Ouest, D’jazz de Nevers, le festival de films de Gindou ou le nouveau Teatro Europeo de Turin.

Enfin, fidèle à sa fonction d’agora de papier, Cassandre donne la parole à des meneurs d’expériences marquantes, qui sont autant de repères dans le paysage culturel. Ils nous livrent leur vision de l’art : l’art pour construire une identité commune, avec Elie Malka et l’Union des théâtres de l’Europe créé en 1990 par Giorgio Strehler. À une échelle beaucoup plus locale, à Belleville, l’art pour se rencontrer et échanger dans un quartier de Paris, avec Gabriel Debray et Le Local. L’art pour approcher l’intime et apprivoiser les peurs, avec Madeleine Abassade et l’institut psychiatrique Marcel-Rivière. L’art pour sortir du silence, avec l’homme de théâtre libanais Issam Bou Khaled et le collectif d’artistes Shams.