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« Où ÇA COMMENCE » – ARTISTES/ENFANTS

Printemps 2004.

  • CHANTIER

> Au-delà du Guignol/Thomas Hahn  – Dessins d’enfants, fantasmes d’artistes/Céline Delavaux – 3 générations/T. Hahn (danse et Hip-Hop) –Décrocheurs de lune/Th.Hahn – Une littérature majeure ?/Irène Sadowska-Guillon – De l’art pour en rêver/entretien avec Jean Poderos – Une Belle Esquive/Christophe Querry – À l’aise dans leurs Tongs !/Stéphane Ripoche (à propos de la Cie Tamérantong) – L’anti-StarAc/entretien avec Majida Ghomari et Fabrice Clément – Des « citoyens qui dansent »/entretien avec Lia Rodriguez – Les arts en cabane/Valérie de Saint-Do – Les enfants, c’est sage/V.de Saint-Do – Exigence réciproque/entretien avec Joël Jouanneau – La part de l’imaginaire/entretien avec Aude Kérivel et Michel Dia – Comprendre, critiquer, transmettre/Alix de Morant – Jeune public, école, éducation/entretien avec Jean-Claude Lallias.

  • BRÈVES HISTOIRES D’ENFANCES
  • EFFRACTION
    > Que transmettre à des jeunes, à Fleury-Mérogis ?/Geneviève Guilhem.
  • FIL D’ARIANE
    > Le chevalier des mots/entretien avec Bruno de La Salle.
  • HORS CHAMP
    > Écrire à la folie/Céline Delavaux.
  • AGORA
    > Devenir d’une cité-monde/Jean-Pierre Faye (auteur, philosophe) – À propos du Couvent des Récollets.
  • AGIT’PROP
    > Un p’tit jardin qui sentait bon le métropolitain/(une friche pas comme les autres) Sandrine Diago – Poètes pugilistes : Têtes Raides et K.O. Social/Stéphane Ripoche et Samuel Wahl.
  • VILLES ET THÉÂTRES
    > Que sont-ils devenus ?/les compagnies d’Aquitaine/Valérie de Saint-Do – Huitièmes rencontres théâtrales d’Eysines/Serge Latapy et Valérie de Saint-Do.
  • SI LOIN SI PROCHE
    > Au risque de la solitude/Marie-Agnès Sevestre.
  • PAS DE CÔTÉ
    > Inquiétude aux Antipodes/Myriam Blœdé – Dérision, mode d’emploi/Alexandre Wong – Où du mouvement a eu lieu/Myriam Blœdé.
  • PARTI PRIS
    > Poétique du TOC/Irène Sadowska-Guillon.
  • CD/Stéphane Ripoche et Alexandre Wong.
  • ÉCRIT/Jean-Marc Lachaud et Irène Sadowska-Guillon.
  • HORS SUJET – POINTS DE MIRE
  • PETITES THÉORIES JETABLES/par Jacques Livchine.

>> La confrérie Horschamp aux Récollets /par Nicolas Roméas et Valérie de Saint-Do.

Le chevalier des mots : Entretien avec Bruno de La Salle

Propos recueillis par Nicolas Roméas

Bruno de La Salle, qui dirige le CLiO de Vendôme, qu’il a créé en 1981, est l’un de ces gardiens du sens de l’oralité, qui non seulement met en débat les enjeux avec des praticiens et érudits venus du monde entier et travaillant sur les différentes formes de l’oralité, mais se met lui-même
physiquement en jeu dans cette aventure en proférant, accompagné d’un musicien, différents textes de
notre tradition, comme L’Odyssée d’Homère, le récit de Shéhérazade et Le Cycle du Roi Arthur… Il a participé
à la mise en place des grands festivals dédiés à l’oralité et organise à Vendôme, depuis 1997, le Salon du livre de conte et des conteurs, où il rassemble les moyens de recherche et d’apprentissage de l’art du récit.

Cassandre  : Comment cette aventure de l’oralité a-t-elle commencé pour vous ?

Bruno de La Salle : J’habitais une cité dans une ville industrielle de la région lyonnaise,
et, comme tous les adolescents, j’écrivais de
la poésie. J’avais un oncle auteur, moi j’étais
un cancre et il se trouvait que le seul domaine où je me sentais libre et plutôt apprécié, c’était l’écriture, le théâtre, la poésie, les romans.
J’étais dans l’aire d’action de Jean Dasté1,
je l’ai rencontré, il m’a encouragé. Et puis j’avais écrit des textes et j’ai aussi été encouragé par Jean Cayrol, aux éditions du Seuil. Je lisais,
je dévorais, j’étais très influencé par les
surréalistes. Je suis passé de l’écriture à quelque chose qui se rapprochait de la parole vivante,
pratiquais une forme de rêve éveillé.
C’est à partir de là que je suis vraiment venu
à l’oralité. Il y a eu mai soixante-huit, à cette époque je me suis mis à faire des improvisations oniriques en public, dans les cabarets de la rive gauche. J’étais un peu considéré comme
un zombie. C’est là que je me suis dit que
l’oralité était un univers, avec un passé, une histoire, dans lequel d’autres avaient déjà parlé,
et je me suis mis à m’intéresser à toutes
les formes, le conte, la littérature populaire…
Je me suis rendu compte que l’oralité constituait les quatre cinquièmes, sinon les neuf dixièmes de notre bagage. Une part négligée, occultée,
au profit de la littérature, disons « bourgeoise ». Depuis, je n’ai jamais quitté cet univers. Je me suis ensuite mis en position de transmettre
à d’autres ce dont je pouvais être porteur, les « collectages », une certaine forme d’ethnologie.
Ce que fait aujourd’hui, dire L’Odyssée,
par exemple, je le fais surtout pour moi, pour apprendre. Souvent, je pense que les gens
ne sont pas vraiment prêts à entendre ça.
Ils n’ont pas envie d’entrer dans ce travail,
ils ont peur de se mettre à réfléchir. Mais je peux aussi concevoir que le seul fait de me développer est utile à la société…

Cassandre : L’écrit peut aussi servir à transmettre l’oralité ?

B. S. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à
ces questions, j’étais un vrai militant anti-livres, anti-écriture, j’accusais l’imprimerie d’avoir détruit les civilisations orales et la transmission directe. Mais un moment est venu où j’ai compris que la situation de péril culturel était telle que tout était bon. Et que le combat pour sauver le livre était du même ordre que celui que nous menions pour sauver la parole et l’oralité.
Les civilisations sont toujours duelles. Pendant que les armées espagnoles exterminaient les Incas ou d’autres, d’autres sauvaient les objets culturels de ces peuples. Il y a une double action simultanée, et s’il n’y avait pas eu le livre, ces choses auraient complètement disparu.
Par ailleurs, l’écriture elle-même peut témoigner d’une oralité à peine audible. Je pense
à Proust ou à d’autres… La musique demeure dans les signes visuels et elle témoigne
d’une parole née d’un cerveau, qui a résonné dans un corps. Il y a un concours de transmission de la pensée, à travers le signe visuel et
le signe sonore qui s’expriment dans des espaces différents. Les mots s’écrivent comme une vraie partition. La page, le livre, est un espace où la parole sonore circule. Lorsqu’un universitaire s’exprime, il visualise sous forme écrite ce qu’il est en train de dire, et, en sens inverse, en voyant une pensée écrite on peut envisager la façon dont elle a été conçue.

Dessins d’enfants, fantasmes d’artistes

Par Céline Delavaux

« Le génie n’est que l’enfance retrouvée à volonté. »
Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne

L’art enfantin renvoie à une question essentielle : si tout le monde possède
des facultés créatrices, la socialisation n’empêche-t-elle pas cette créativité innée de se manifester librement ? Pourquoi s’arrête-t-on de dessiner ? Une question indirectement relancée par la récente prolifération des ateliers pour enfants.

Un fil rouge secret court sous les ruptures esthétiques. La création enfantine, comme l’art primitif ou asilaire, est pour l’art moderne une source d’inspiration aux vertus régénératrices. Matisse, Picasso, Mirò, Klee, Kandinsky, Dubuffet, Michaux, lui ont fait des emprunts explicites. L’intérêt pour le primitif (le sauvage, l’enfant, le fou) se situe du côté d’un désir de renouveau, il est lié à un fantasme de l’origine de l’art, une origine mythique, hallucinée. L’intérêt pour le dessin d’enfants s’inscrit dans le sillage du mythe d’une enfance de l’art en quête d’un regard vierge. En 1912, des dessins d’enfants s’affichent aux côtés de reproductions d’art populaire et primitif dans les pages de l’Almanach du Blaue Reiter réalisé par les expressionnistes Kandinsky et Macke. Kandinsky voit l’art enfantin comme une expression intuitive directe de l’essence des choses. August Macke se le demande : « Les enfants, qui créent directement à partir du mystère de leurs sentiments, ne sont-ils pas plus créateurs que l’imitateur des formes grecques ? » Il y a dans l’éloge du dessin d’enfant la volonté de se libérer des formes du passé, un appel aux fondamentaux de la nature humaine. En 1919, Max Ernst organise une exposition Dada à Cologne, où il expose, aux côtés de ses œuvres et de celles d’artistes d’avant-garde, dessins d’enfants, objets trouvés et productions d’individus dits aliénés. Pour les dadaïstes, cette attention portée aux productions marginales s’inscrit dans une contre-culture non compromise dans le carnage auquel se livre alors le monde occidental. Dans les années vingt, Paul Klee accorde un rôle déterminant aux travaux des enfants qu’il donne pour modèles à ses étudiants du Bauhaus. Il introduit ses propres dessins d’enfant dans le catalogue de ses œuvres : « Je veux être un nouveau-né, ne sachant rien de l’Europe, ignorant les poètes et les modes, presque un primitif. » Recherche d’une naturalité refoulée, d’une vérité de l’acte créateur ; d’une mise au jour des mécanismes de la création. En 1943, Picasso, visitant une exposition de dessins d’enfants, déclare à Brassaï : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux. » Apprendre à désapprendre, se débarrasser des moyens acquis, se libérer du talent… La gratuité, le sens de la fête, l’instantanéité de l’invention qui caractérisent l’enfance, l’art contemporain les redécouvrira dans le happening, l’Action Painting et les manifestations d’anti-art. Valoriser l’art enfantin, ou l’imiter, est un moyen de commenter la condition adulte et de critiquer les institutions éducatives. Dans le premier Manifeste du surréalisme, Breton parle de l’enfance « massacrée par le soin des dresseurs » ; plus tard, Céline déclare : « Il faut un long effort de la part des maîtres armés du Programme pour tuer l’artiste chez l’enfant. » Jean Dubuffet, rejetant le musée et l’enseignement académique, souhaite revenir au point zéro de la création. Le dessin d’enfants devient exemplaire : « Les enfants sont hors le social, hors la loi, asociaux, aliénés : justement ce que doit être l’artiste. » En 1945, il expose des dessins d’enfants au Foyer de l’Art Brut. Mais il revient vite de cette illusion de l’innocence et de la pureté de la création enfantine : « L’enfant comme sl’adulte est en quête d’applaudissements et enclin à orienter son ouvrage dans le sens qui convient. » Quand les enfants dessinent, ils imitent les adultes et se conforment donc, comme eux, à des modèles. Le milieu dans lequel se développe l’enfant, c’est l’univers adulte. Cet univers agit sur lui comme tout contexte social, en l’enrichissant, en le conditionnant, en l’aliénant. Michel Thévoz, ancien conservateur de la Collection de l’Art Brut, exégète de Dubuffet, travaille depuis les années soixante-dix sur les productions de marginaux qui ont échappé au « dressage éducatif ». Il mène un travail sociocritique revigorant à l’encontre de l’Institution (culturelle, scolaire, psychiatrique…) : Pour lui, « le conditionnement sélectif nommé éducation consiste à bloquer certaines aptitudes et à en surdévelopper d’autres selon une répartition qui obéit aux exigences socio-économiques de la civilisation occidentale ». Notre culture se caractérise par une mise en latence généralisée des pulsions artistiques. Dans cette perspective, l’artiste est « une sorte de rescapé », « un individu qui fait exception à la règle de stérilité créatrice », règle qui engendre une inhibition collective. L’essentiel des travaux sur le dessin d’enfants s’inscrit dans une optique psychopédagogique. Cette relégation hors de la sphère artistique dissimule un interdit sur la question du plaisir : une œuvre d’art ne saurait être issue d’une pure dépense ! Les travaux des psychanalystes, psychologues et pédagogues (Klein, Piaget) ont permis de différencier des stades dans le développement mental de la prime jeunesse. On s’est aperçu qu’à chacun de ces stades correspondait un système de figuration spécifique. Mais la perspective reste « adultocentrique », selon l’expression de Thévoz : on y a vu des étapes vers un accomplissement final ; l’enfant est transformé en mécanisme d’adaptation. Mais on est passé d’une interprétation en termes de déficit à une idéalisation, autrement dit « d’une incompréhension iconoclaste à une surcompréhension débilitante ». Les ateliers d’art enfantin se multiplient, engendrant selon Thévoz une « normalisation » de l’expression graphique. Le pouvoir créateur attribué à l’enfant tend à se réduire au mythe construit par l’adulte comme contrepartie à sa propre stérilité. Thévoz conclut que « l’expression enfantine est en voie d’aliénation totale à ce mythe, stade suprême de l’adultocentrisme ». Le conditionnement s’opère pour l’essentiel par l’école. Lorsque l’enfant parvient à l’âge scolaire, on assiste souvent à une diminution de sa production graphique. L’écriture, jugée plus « sérieuse », chasse le dessin, et enclenche le processus de socialisation. D’abord effectué pour le plaisir, le dessin devient peu à peu une activité dont le sérieux a pour contrepartie l’accès à l’univers adulte. Les ateliers, créés parallèlement à l’école, dans le but de permettre à l’enfant l’épanouissement de ses facultés créatrices, soulignent un manque, une faille dans l’enseignement artistique.

 

Introduction

Par Nicolas Roméas

Encore dans les jupes de ma mère, je détestais déjà cette notion de spectacles « pour enfants » ou pudiquement nommés « tous publics », qui cache souvent un infantilisme presque méprisant, porté par une pauvre vision d’adulte.
Il m’est rarement arrivé d’être « déçu en bien », (comme disent les Suisses et Jacques Livchine) lors de ces spectacles formatés pour un imaginaire faussement enfantin, produits par des adultes peu imaginatifs.

Pour un Burattini, drôle, intelligent, provocateur, subvertissant avec talent l’imagerie vieillotte de Guignol et retrouvant sa force initiale, pour une géniale Ilka Schönbein, qui n’hésite pas à faire s’affronter l’imaginaire des gosses et l’horreur du monde, pour un marionnettiste inconnu qui a compris et retrouve en lui-même leur goût pour le jeu de la magie, de la cruauté et du délire, combien de sous-produits, parfois fabriqués de façon quasi industrielle par des employés surexploités, continuent à prendre les enfants pour des imbéciles ? Les temps ont changé, pourtant. Beaucoup de nos catégories datées semblent fortement remises en cause. Mais les formatages imposés par ce système social restent plus forts que toutes les tentatives de réinventions. Le théâtre de rue après avoir tenté de bouger les repères de la ville, est redevenu un spectacle comme un autre, simplement déplacé de son architectonie classique. Le cirque, après avoir fui sa sclérose et tenté de coller à son temps, a lui aussi fini, en devenant « nouveau », par devenir un peu vide et ennuyeux. Et rares sont ceux qui se sont attaqués à cette catégorie, au fond presque intouchable, le terrain « sacré » de l’enfance. Comment en est-on arrivé là ? Comment en est-on venu à considérer, comme ce fut le cas pour les contes et pour la marionnette, comme le montre la triste histoire de Guignol, inventé par les canuts de la Croix-Rousse et aujourd’hui condamné aux jardins publics et aux bandes enregistrées, que l’enfant est une sorte de sous-homme ? Alors que nous le savons bien, notamment avec Freud, il est porteur de toutes nos puissances. Et les plus grands artistes du siècle (et du précédent) le savaient, qui puisèrent passionnément dans ces réserves longtemps oubliées. Quelle image collective de l’enfance portons-nous, pour que le conte et la marionnette, ces outils sociaux, politiques et spirituels, soient devenus, avec le temps, des formes considérées comme affaiblies, méprisées au fond par les adultes ?

Au-delà du guignol

Par Thomas Hahn

 Un bon spectacle tout public, selon ma définition parfaitement égoïste, est un spectacle
qui me passionne autant que les enfants. Après tout, la réussite formelle et la profondeur
du propos ne connaissent pas d’âge. C’est comme ça depuis Grimm, voire depuis les mythes.

Le rôle des artistes contemporains est d’interroger les principes de justice dans lesquels l’enfant se reconnaît naturellement. Ce n’est pas Edward Bond qui dira le contraire (1).
En vertu de quelle directive l’adulte serait-il seul capable d’apprécier
le chant lyrique, les arts plastiques, l’abstraction d’une danse d’ombres
ou le théâtre gestuel ? Confronter l’enfant à la diversité des expressions, c’est déjà lui donner quelques armes pour une pensée critique, armes qu’on se doit d’entretenir jusqu’au dernier jour.
À partir de trois ans, les jeunes peuvent rencontrer le chant lyrique
avec la compagnie Poursuite et Flora, chanteuse d’Opéra. La soprano Dorothée Goll interprète l’histoire du même titre (2). Flora, mère de trois petites filles, tente de réconcilier carrière et famille. La conteuse-chanteuse-comédienne interprète tous les personnages mais se place dans la perspective des trois filles du couple, use de l’humour pour grossir légèrement le trait. Aucune musique n’étant prévue, sa liberté était totale pour adapter l’histoire en chantant des extraits d’arias, un tango,
Kurt Weill, du traditionnel russe, du jazz… Une liberté devant la tradition qui, dit-elle, « rend le lyrique plus recevable ». Les connotations bourgeoises sont éliminées, le chant devient forme pure, et pur plaisir. Sans décor, le spectacle se joue dans des petites salles où la voix touche littéralement le spectateur. Pas besoin de friandises visuelles pour capter les enfants. Dans la sobre mise en scène d’Albert Saxer, le déchirement de Flora les sensibilise au fait que leurs parents aspirent, eux aussi, à s’épanouir. Au-delà de la pop et du rap, une vraie culture musicale n’est pas synonyme d’ennui, mais source de plaisir. Le rôle du père, l’altérité (Flora est invitée à chanter en Chine), le chant, autant de questions à débattre sans lourdeurs pédagogiques.
Connue pour des explorations d’architecture et nature en danse-escalade, la compagnie Retouramont propose aux 3-8 ans un spectacle de salle, basé sur les techniques d’ombres. Sans fil narratif, sans couleurs ni décor. Traversée d’ombres joue sur l’ambiance, la fascination des silhouettes, le mystère. Rien de bavard dans la démarche. On décline le rapport acteur-ombre à l’infini. La première image peut évoquer les sables mouvants du désert. Les disparitions des personnages dans le sol intriguent. L’écran levé, on aperçoit sur le plateau nu projecteurs et autres accessoires qui éveillent la curiosité. Pendant quelque temps, les trois personnages tournent dans l’air, en position horizontale, tels une hélice. Cette Traversée d’ombres met en mouvement le rapport à l’ombre, à l’autre en soi. Elle est un exercice d’épure, ludique et spirituel, non sans trouble. Tout simplement un rempart contre le matraquage visuel et publicitaire.

(1) « Cette innocence radicale est l’énergie motrice de la civilisation humaine. La justice est la seule notion qu’il est inutile d’enseigner aux enfants. […] Seul le travail avec les jeunes me permet de poser des questions radicales sur l’existence. » In « Cette étrange joie de mourir », entretien avec Edward Bond, Cassandre/Horschamp n° 51, pp. 36-38

(2). Agnès Bertron, Flora, chanteuse d’opéra, Bayard Jeunesse, collection Les belles histoires.