Certes, « communauté » est un mot de plus en plus difficile à employer dans notre société, tant il a été dévoyé par des usages politiciens. Pourtant au théâtre (en art en général), il signifie autre chose, une façon de se réunir bien plus grande, bien plus ouverte, bien plus universelle. Par exemple cette communauté aléatoire, comme le dit Peter Brook, de ceux qui se retrouvent par « hasard » dans un théâtre et partagent un geste artistique sur la base de codes qu’ils ont en commun. Cette communauté d’esprit qui nous permet de vivre les choses ensemble pour ouvrir le débat, c’est ce que crée l’art et c’est ce qui en fait la force.
La réflexion initiée par Olivier Neveux dans son important ouvrage Politiques du spectateur donne la matière d’un bel entretien en ouverture de ce numéro 95, qui propose par ailleurs de penser la fabrication du collectif, de l’agir ensemble, à travers des lieux, territoires et expériences qui permettent une observation fine d’artistes et de groupes soucieux de la participation active de spectateurs critiques. On y trouve, entre autres, un dossier spécial sur la et les culture(s) dans les pays d’Europe centrale, l’histoire et l’évolution du très vaillant Festival TransAmériques de Montréal et celles du remarquable Manifeste à Grande-Synthe, de l’incroyable et immense Festival des fromages de chèvres de Courzieu, une belle enquête sur le travail de la cinéaste Claire Simon, ainsi que l’actualité de l’Hestejada d’Uzeste – qu’on ne présente plus – et du magnifique Festival de cinéma de Douarnenez qui, cette année, célébrait les Rroms.