Éditorial par Nicolas Roméas

Les obstacles de plus en plus nombreux que rencontrent aujourd’hui dans tout le monde occidental, ceux qui s’obstinent à défendre le sens du geste artistique, sont évidemment alarmants. Mais la difficulté a son utilité. Elle oblige à des choix fondamentaux, fait apparaître la véracité des engagements, rend criants les mensonges de consensus rentables. C’est paradoxalement dans ces périodes, où les actes cohérents et forts apparaissent de plus en plus risqués, que l’on mesure la sincérité des démarches. Le degré de courage souvent nécessaire pour assumer leurs conséquences. Les attitudes se dévoilent. Car un artiste qui oublie d’être un combattant devient très vite mercenaire de ce pouvoir. On ne peut plus impunément, dans la dureté des temps, se draper derrière un flou artistique qui sert le pouvoir de l’argent. Or, il se trouve encore quelques artistes pour ne pas oublier l’exigence politique inhérente à leur travail, la responsabilité qui est la leur, le risque que cela implique.

Thomas Hirschhorn est de ceux-là. Nous avions commencé à mesurer la portée de son engagement lors d’un entretien avec lui dans le numéro 40 de cette revue : L’art est politique. Puis nous le retrouvâmes au Musée précaire Albinet, poursuivant, avec les Laboratoires d’Aubervilliers, une démarche humaine et artistique époustouflante de justesse. Hommage soit ici rendu à l’un des rares par qui l’art tient encore debout.

Nous continuons aussi, avec Saint-Denis, l’une de celles du neuf-trois qui a le moins démérité dans ce domaine, à explorer la vie culturelle des villes, et tenter de comprendre leur politique en la matière. Lorsqu’elles en ont une. Nous le faisons, selon notre habitude, avec le désir d’encourager celles qui en ont la volonté de porter haut le flambeau de la démocratie culturelle et artistique. Pour résister, dans la durée, aux tendances de l’époque.