ÉDITO (extrait), par Nicolas Roméas
[…] Non, nous ne nous lasserons pas de le dire, il n’y a pas d’alternatives. Sans volonté politique aux plus hauts niveaux, sans désir vrai de prendre la culture et l’art enfin vraiment au sérieux, sans regard informé et documenté sur la place occupée dans l’histoire des hommes par cet outil, nous n’avancerons que millimètre après millimètre. Et – comme on le voit avec les propos abjects d’un fameux patron de chaîne qui s’insulte lui-même (on n’a plus besoin de le faire) – pour mieux reculer. Certains artistes ne désarment pas, avec ou sans moyens, reconnus ou non, ils s’obstinent à fabriquer un art à la fois exigeant et ouvert. Et, comme par hasard, ceux qui sont les plus courageux, les plus tenaces, sont souvent aussi les plus talentueux. C’est le cas de William Petit, qui, avec la compagnie Rialto, vient de nous offrir un moment artistique d’une rare qualité artistique et humaine au couvent des Récollets. Mais il y en a d’autres, beaucoup d’autres aujourd’hui, qui sont en butte, un peu partout en France, à l’incompréhension de tutelles – dites de « gauche » ou de « droite » -, qui ne prennent toujours pas le temps de réfléchir à l’importance du geste artistique pour une civilisation. Pour notre civilisation en péril.
HORSCHAMP : « Vous n’entrez pas dans les cases »
LE TEMPS DES INSOUMIS / par Valérie de Saint-Do
Des artistes et des compagnies en conflit avec leurs tutelles financières, municipales ou ministérielles ? Rien de plus classique, et nos colonnes s’en font régulièrement l’écho. Mais le symptôme prend des proportions épidémiques. Partout, l’étau se resserre. Les zones d’« autonomie » se restreignent. Certains se sont bercés de l’illusion qu’après la tourmente de 2003, la vie culturelle pourrait reprendre un cours tranquille. Comme si la glace n’était fissurée de toutes parts. Des squats fermés à Paris, une équipe soucieuse d’inventer d’autres modes de relations à la ville sur la sellette à Bonneuil-sur-Marne, des artistes intervenants en détention interdits d’atelier…Cerise sur le gâteau, un rapport qui exclut l’action culturelle du champ de l’intermittence au motif « qu’elle est davantage un concept à l’acception large qu’un domaine représentatif d’activités économiques homogènes » (1). Pourtant, la culture est partout, semble-t-il. Ou du moins son ersatz,lisse, brillant, consensuel : l’événementiel, qui attire les foules à grand renfort de tapage médiatique, et de noms encensés par la critique officielle. Comment exister quand on refuse de se soumettre aux impératifs de la com’ et d’être réduit à un supplément d’image pour une ville ou une région ? Les artistes que nous avons rencontrés pour ce chantier sont de ceux qui refusent d’abdiquer. Au prix de stratégies difficiles : contourner l’obstacle, ou l’affronter, pour que continuent à exister et se développent des actions artistiques en profondeur et dans la durée ?
(1). Il s’agit du rapport d’étape de Jacques Charpillon, chef de service de l’inspection générale de l’administration des affaires culturelles. On peut le télécharger à l’adresse : http://cip-idf.org/article.php3?id-article-1675.