Voici venu, pour tous ceux – quel que soit leur bord – qui accordent la plus haute importance à ce qui est l’âme de la communauté humaine, aux valeurs que nous défendons ici, le temps des pires inquiétudes.
Voici que vacille, pour la première fois depuis longtemps, et de tous côtés, l’un des systèmes de service public de la culture les plus aboutis du monde occidental.
Un système institutionnel très perfectible, dont on a pu légitimement critiquer les faiblesses – nous ne nous en sommes pas privés – mais dont notre société peut être spécialement fière parce qu’il a permis, à travers de nombreuses luttes, de tenir haute dans l’esprit de chacun l’idée d’un art ouvert à tous et celle d’une mission élevée de la culture parmi les hommes. Idées constitutives de l’identité culturelle française.
La situation que nous connaissons est évidemment l’aboutissement des graves négligences des années passées, d’un fonctionnement consensuel dénué de rigueur et d’exigence que nous n’avons cessé de dénoncer, de l’absence de prise en compte par les politiques de l’importance des valeurs portées par l’art dans un monde cynique et marchand.
Mais nous voici dans l’impasse : notre système culturel s’est affaibli à un point tel qu’on peut sans exagérer présager la fin imminente d’une vraie responsabilité nationale en matière d’art et de culture. Seul un violent sursaut peut nous sortir de ce terrible piège.
Que tous les hommes et les femmes de ce pays, de « droite » ou de « gauche », que tous ceux qui ne cesseront jamais de croire au rôle salutaire et fondamental de la culture et de l’art dans cette civilisation, l’expriment clairement : nous refusons de laisser mourir nos valeurs. Ces valeurs immatérielles, pour se manifester dans le réel, doivent trouver des défenseurs et des relais concrets. Comment les faire exister si le monde politique les lâche, après s’en être cyniquement servi ? Sommes-nous prêts à abandonner la haute idée que nous nous faisons de l’Homme ? Sommes-nous prêts à accepter de livrer au commerce et au « divertissement » ce qui fait notre raison d’être ?