Nadine VAROUTSIKOS à Épinay-sur-Seine

Nadine Varoutsikos

« Il faut vouloir changer le monde, mais il faut pouvoir parler aux êtres »

Propos recueillis par Hélène Kuttner

« Un phare allumé dans la ville », telle est l’image que souhaite donner Nadine Varoutsikos à la « Maison du Théâtre et de la Danse » qu’elle dirige depuis janvier 1995. Pour cette « femme de terrain », (pour reprendre le titre de la pièce d’Olivier Dutaillis proposée justement dans ce même lieu) chez qui la passion va de pair avec l’exigence, la base de toute action culturelle est la formation du public, divers et multi-etbnique. Elle revendique au sein d’une zone sociale difficile un travail sur des textes du patrimoine, et souhaite faire du théâtre, « redescendu de son piédestal, l’outil le plus précieux de l’intégration, de la participation de tous à la vie de la cité ».
Comédienne formée pr Jerzy Grotowsky, Catherine Dasté et le Centre Américain, Nadine Varoutsikos fait ses débuts dès 1974 avec le groupe AGIT, avant de developer des ateliers de théâtre amateur à Épinay. En 1985, elle devient chargée de mission pour le théâtre, puis lance en 1991, avec Marine Broudic, le projet de la M.T.D. Pierre Vial, Pierre Debauche, Nada Strancar, Madeleine Marion et d’autres viennent soutenir la démarche, d’où naissent des spectacles aussi différents que l’Henri VI adapté par Jean-Louis Bauer, Colomb de Jean Métellus ou Courtefeyche et Labideau présenté dernièrement.
Entretien avec la maîtresse de maison d’un lieu qui se veut ouvert de 9 heures du matin à minuit.

Cassandre : Nadine Varoutsikos, parlez-nous de la naissance de ce lieu. À quel désir, ou quelle nécessité, obéissait-elle ?

Nadine Varoutsikos : C’est une ancienne M.J.C. qu’on a rénovée en 1993, grâce aux crédits de l’État, de la Région et de la Ville. Depuis dix ans j’animais beaucoup d’ateliers à Épinay, avec à peu près 200 élèves, enfants, adolescents et adultes, qui participaient à des créations de théâtre amateur, mais aussi professionnel. À cela s’ajoutaient des stages dirigés par des gens qui nous ont soutenus dès le début, en général très proches d’Antoine Vitez : Pierre Vial, parrain de cette maison, Nada Strancar, jean-Yves Dubois, Madeleine Marion… un certain nombre d’acteurs qui nous ont aidés. Le principe du travail reposait d’abord sur la formation du public, pour aller ensuite vers la diffusion et la creation. Le principe de départ, c’est la rencontre avec les habitants par tous les moyens possibles et imaginables, pratique du théâtre, résidences d’auteurs, tout une série d’actions destinées à faire d’un lieu un véritable théâtre-citoyen. Au départ j’étais comédienne-metteur en scène, je venais de la région d’Argenteuil, Sarcelles, et j’ai beaucoup travaillé dans les années 70 avec le groupe AGIT. Puis je suis venue m’installer à Épinay, où j’ai d’abord commencé à travailler avec des gamins en difficulté, des délinquants, puis dans les écoles. En partant de cette M.J.C., on a fait une proposition à la mairie qui nous a aidés à monter le projet. À l’époque le maire, Monsieur Bonnemaison, s’occupait beaucoup de prévention et de délinquance. Il m’a permis de faire un premier spectacle en 1985, Mississippi, un opera-rock monté avec 25 jeunes, qu’on a joué pendant trois semaines, avec le chorégraphe Quentin Rouillé et Patrick Abrial.

Avec uniquement des amateurs ?

Et des jeunes de mes ateliers. Il y a toujours un mélange de jeunes, d’adultes et de plus vieux, des gens de toutes les couleurs et de toutes cultures dans mes spectacles. Cette création a fait que la mairie m’a soutenue ensuite, et j’ai pu continuer à travailler en ateliers, à faire un travail de plus en plus présent dans les écoles et avec les gens. Ensuite, avec Marine Broudic, qui était à l’époque directrice de la M.J.C., on a monté le projet de la Maison, moi avec mes élèves, elle avec sa volonté de créer un lieu culturel. La municipalité nous a soutenues, ainsi que la D.R.A.C. jusqu’en 1993, année de sa naissance.


Il n’y avait aucun théâtre ?

Non. Il y avait des lieux, mais il nous fallait un asile, un toit. Il fallait un lieu référencé dans une ville un peu dortoir où il n’y a plus de cafés, une maison qui reste ouverte tous les soirs jusqu’à minuit. Comme les ateliers fonctionnent en permanence il y a toujours du monde, même quand il n’y a pas de spectacle. L’idée, c’est que le théâtre soit une espèce de phare, allumé dans la ville même si tout est fermé. Qu’il n’y ait qu’un seul lieu qui soit ouvert, le théâtre.